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Le jour où Simone Veil défendit l'IVG devant une assemblée d'hommes

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Simone Veil, son combat pour l'IVG

Le 26 novembre 1974 à l'Assemblée nationale, Simone Veil présente son projet de loi relatif à l'IVG.

Il y a quarante-trois ans, Simone Veil prononçait à l'Assemblée nationale un discours historique présentant son projet de loi pour la légalisation de l'avortement.

«Je voudrais tout d'abord vous faire partager une conviction de femme. Je m'excuse de le faire devant cette Assemblée presque exclusivement composée d'hommes : aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l'avortement. Il suffit d'écouter les femmes.»

C'est par ces mots, il y a quarante-trois ans, le 26 novembre 1974 exactement, que Simone Veil entre dans l'histoire. Rescapée des camps de la mort, cette magistrate nommée ministre de la Santé par Jacques Chirac monte au perchoir de l'Assemblée nationale, à l'époque constituée à 95 % d'hommes, pour présenter son projet de loi. Valéry Giscard d'Estaing - qui désire légiférer rapidement - vient d'être élu président de la République ; et la France, six ans après les événements de mai 1968, prend le train de la modernité. Car, si la pilule est légalisée dans l'Hexagone depuis 1967, l'interruption volontaire de grossesse, elle, reste interdite.

Un discours historique devant une assemblée d'hommes

Le constat est sinistre. Les femmes souhaitant avorter - et ceux qui les y aident - sont dans l'illégalité. Elles sont 300.000 en 1974. Les plus riches se rendent à l'étranger (Angleterre et Pays-Bas), les plus démunies risquent leur vie en ayant recours à des «faiseuses d'anges». Au moment du discours fondateur de Simone Veil, le procès de Bobigny, où des femmes sont jugées pour avortement, et la plaidoirie de l'avocate Gisèle Halimi sont passés par là. Les associations féministes qui se battent pour défendre ce droit gagnent du terrain dans l'opinion des Français et cette question de santé publique devient plus que pressante. La loi, au bord de l'obsolescence, est appliquée de manière laxiste.

Dans un long entretien avec la journaliste Annick Cojean, paru dans Le Monde en 2005, Simone Veil revient sur les attaques qu'elle a subies à l'époque. «Je savais – ne serait-ce que par le courrier reçu – que les attaques seraient vives, car le sujet heurtait des convictions philosophiques et religieuses sincères. Mais je n'imaginais pas la haine que j'allais susciter, la monstruosité des propos de certains parlementaires ni leur grossièreté à mon égard. Une grossièreté inimaginable. Un langage de soudards. Car il semble qu'en abordant ce type de sujets, et face à une femme, certains hommes usent spontanément d'un discours empreint de machisme et de vulgarité», confiait alors l'ex-ministre.

En vidéo, le discours de Simone Veil en 1974

Une hypocrisie masculine et politique

Le député René Feït va jusqu'à faire résonner les battements du cœur d’un fœtus en plein Hémicycle. Jean-Marie Daillet, un de ses adversaires les plus virulents, lui demande notamment, au moment des débats, «si elle accepterait de jeter les embryons au four crématoire». Simone Veil analyse dans cet entretien au quotidien du soir, cet épisode sordide. «Je crois qu'il ne connaissait pas mon histoire, mais le seul fait d'oser faire référence à l'extermination des juifs à propos de l'IVG était scandaleux. Et puis, il y avait tant d'hypocrisie dans cet Hémicycle rempli essentiellement d'hommes, dont certains cherchaient en sous-main des adresses pour faire avorter leur maîtresse ou quelqu'un de leurs proches !»

C'est en filigrane ce qu'elle dénonçait déjà dans son discours à l'Assemblée. «Parmi ceux qui combattent aujourd'hui une éventuelle modification de la loi répressive, combien sont-ils ceux qui se sont préoccupés d'aider ces femmes dans leur détresse ? Combien sont-ils ceux qui, au-delà de ce qu'ils jugent comme une faute, ont su manifester aux jeunes mères célibataires la compréhension et l'appui moral dont elles avaient grand besoin ?»

Le 29 novembre 1974, après plusieurs jours de débats houleux, le texte est finalement adopté par 284 voix contre 189. C'est l'opposition, de gauche, qui plébiscite la loi, tandis que la majorité dont est issue Simone Veil s'y oppose. En janvier 1975, elle entre en vigueur. En 1982, l'interruption volontaire de grossesse est remboursée par la sécurité sociale avec la loi Roudy. Onze ans plus tard, le délit d'entrave à l'IVG est créé.

Le droit à l'IVG toujours menacé

Aujourd'hui en France, environ 200.000 femmes ont recours à l'avortement. Elles peuvent le faire anonymement, gratuitement, en étant mineure (dans ce cas même sans l'accord de leurs parents mais en étant accompagnée d'une personne majeure de leur choix). Par aspiration, à l'hôpital, chez elles, par voie orale, et jusqu'à la douzième semaine de grossesse. Des sénateurs ont également déposé une proposition de loi visant à inscrire le droit à l'avortement dans la Constitution française afin de le protéger. L'IVG serait-il donc maintenant un combat du passé et un droit acquis ? Les militants «pro-vie» ou plutôt anti-avortement, très actifs notamment sur Internet, continuent de s'y opposer avec virulence. En Pologne, les femmes ont manifesté et se sont mises en grève en octobre pour empêcher le vote d'une loi interdisant totalement l'IVG (même en cas de viol, d'inceste, de malformation du fœtus et de risque avéré pour la mère), que le parlement polonais a finalement rejeté.

Alors que les hommages posthumes de tous bords pleuvent après l'annonce du décès de Simone Veil, son combat pour les droits des femmes, s'il est, avec elle, déjà rentré dans l'histoire, continue d'être d'actualité. Dans son discours du 26 novembre 1974, la ministre concluait d'ailleurs avec ses mots : «Je ne suis pas de ceux et de celles qui redoutent l'avenir. Les jeunes générations nous surprennent parfois en ce qu'elles diffèrent de nous ; nous les avons nous-mêmes élevées de façon différente de celle dont nous l'avons été. Mais cette jeunesse est courageuse, capable d'enthousiasme et de sacrifices comme les autres. Sachons lui faire confiance pour conserver à la vie sa valeur suprême.»

Simone Veil, une vie de combats


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